Avant d’entrer dans le vif du sujet, un avertissement : **des formules** arrivent. Si les équations vous donnent le vertige, respirez — ou prenez un gâteau. Si, au contraire, vous appréciez les raisonnements chiffrés et que l’idée que k = N vous enchante, alors cet article va vous intéresser : nous allons approfondir la notion de recherche hybride et montrer comment l’observer depuis l’extérieur, sans avoir besoin de code ou d’accès privilégiés.
(Image Credit: Duane Forrester)Pendant des années — voire des décennies — le SEO a évolué dans une boucle de rétroaction simple : on optimise, on se positionne, on mesure. Tout semblait cohérent parce que Google fournissait un tableau de bord clair. Aujourd’hui, des **assistants IA** se placent au-dessus de cette couche : ils résument, répondent et citent des sources avant même qu’un clic n’ait lieu. Votre contenu peut être mis en avant, réécrit ou ignoré, et tout cela peut n’apparaître nulle part dans vos analyses habituelles.
Cela ne rend pas le SEO obsolète, mais il existe désormais une visibilité parallèle qu’il faut mesurer autrement. Ce guide propose une méthode simple pour estimer cette visibilité en comparant les résultats traditionnels et les citations d’assistants, sans développement nécessaire, et explique comment interpréter les chiffres avec prudence.
Pourquoi cela a de l’importance pour votre visibilité
Les moteurs de recherche continuent d’être la source principale du trafic mesurable. À titre d’exemple, Google prend en charge près de 4 milliards de recherches par jour selon les statistiques publiques. À l’échelle annuelle, certaines plateformes d’assistance rapportent des volumes importants aussi — Perplexity a communiqué des chiffres globaux de requêtes annuelles — mais l’ordre de grandeur reste distinct selon les sources.
Même si les **assistants** représentent encore une fraction du volume total des requêtes, ils influencent la façon dont l’information est interprétée et présentée. Lorsque des services comme ChatGPT Search ou Perplexity répondent avec des résumés accompagnés de citations, ces références nous renseignent sur les fragments de contenu et les domaines que le modèle considère comme fiables.
Le problème pour les équipes marketing est l’absence de tableau de bord standard qui affiche la fréquence à laquelle un assistant cite votre contenu. Google a commencé à intégrer des données de performance liées au Mode IA dans la Search Console — impressions, clics et positions sont désormais inclus dans la catégorie “Web” selon la documentation officielle — mais ces chiffres sont agrégés et mélangés aux autres résultats. Il n’y a pas encore de découpage clair qui montre la part exacte attribuable au Mode IA.
Face à ces limites, on peut néanmoins construire un test proxy simple pour estimer où les **assistants** et les moteurs traditionnels convergent et où ils divergent.
Deux systèmes de recherche, deux chemins pour être trouvé
Les moteurs traditionnels reposent principalement sur un mode de récupération lexical : ils cherchent à faire correspondre les mots et les expressions tels qu’ils apparaissent dans la requête et dans les documents. L’algorithme dominant pour ce type d’approche est BM25, utilisé depuis longtemps dans des moteurs comme Elasticsearch, Solr ou d’autres solutions basées sur Lucene.
Les **assistants IA**, eux, s’appuient sur une récupération sémantique. Plutôt que de compter strictement les occurrences de termes, ils comparent des représentations numériques du sens — les embeddings — qui servent d’empreintes mathématiques pour des passages de texte. Cette méthode permet de relier des contenus qui sont conceptuellement proches même si le vocabulaire diffère.
Chacune de ces approches a ses forces et ses limites : la récupération lexicale peut rater des synonymes ou des formulations différentes, tandis que la récupération sémantique peut parfois rapprocher des idées peu liées sur la base de similarités floues. Combinées, elles tendent à produire un résultat plus robuste.
La plupart des systèmes mixtes appliquent ensuite une règle de fusion pour agréger les listes classées issues de chaque méthode — la règle la plus répandue étant la Reciprocal Rank Fusion (RRF). Vous n’avez pas besoin de l’implémenter pour comprendre pourquoi elle explique certains comportements observables en surface.
La RRF expliquée simplement
La fusion hybride consiste à prendre plusieurs listes de résultats classées (par exemple une liste issue de BM25 et une autre issue d’un modèle vectoriel) et à les combiner en une seule liste équilibrée. Le mécanisme mathématique couramment utilisé pour cela est la RRF.
La formule de base est concise : pour chaque document, on calcule un score égal à 1 divisé par (k + rang). Soit : 1 ÷ (k + rank). Si un document apparaît dans plusieurs listes, on additionne les scores obtenus dans chacune.
Dans cette formule, “rang” est la position du document dans la liste (1 pour le premier), et “k” est une constante qui atténue la différence entre les positions hautes et moyennes. Des valeurs de k proches de 60 sont utilisées dans certains contextes pour rendre le résultat moins dominé par le sommet de la liste ; d’autres implémentations peuvent choisir des k plus faibles. L’idée fondamentale est d’aplanir ou d’ajuster l’influence des rangs extrêmes.
Il est aussi important de comprendre que, pour les modèles vectoriels, le classement ne provient pas d’un comptage de mots mais d’une mesure de proximité : on compare l’embedding de la requête à l’embedding de chaque document dans un espace multi-dimensionnel, puis on ordonne les documents par similarité décroissante. C’est de la “géométrie” du sens, pas du simple comptage de termes.
(Image Credit: Duane Forrester)Pour rendre la mécanique tangible, prenons un petit exemple numérique et deux listes classées — l’une issue de BM25 (recherche lexicale), l’autre d’un modèle vectoriel (recherche sémantique). Pour simplifier, utilisons k = 10.
Document A : rang 1 dans BM25, rang 3 dans la liste vectorielle.
BM25 : 1 ÷ (10 + 1) = 1 ÷ 11 = 0,0909.
Vecteurs : 1 ÷ (10 + 3) = 1 ÷ 13 = 0,0769.
Score total = 0,0909 + 0,0769 = 0,1678.
Document B : rang 2 dans BM25, rang 1 dans la liste vectorielle.
BM25 : 1 ÷ (10 + 2) = 1 ÷ 12 = 0,0833.
Vecteurs : 1 ÷ (10 + 1) = 1 ÷ 11 = 0,0909.
Score total = 0,0833 + 0,0909 = 0,1742.
Document C : rang 3 dans BM25, rang 2 dans la liste vectorielle.
BM25 : 1 ÷ (10 + 3) = 1 ÷ 13 = 0,0769.
Vecteurs : 1 ÷ (10 + 2) = 1 ÷ 12 = 0,0833.
Score total = 0,0769 + 0,0833 = 0,1602.
Dans cet exemple, Document B obtient la meilleure note puisque son classement est solide dans les deux listes. Si l’on augmente k à 60, les écarts entre les scores se réduisent : la fusion devient plus “lissée” et moins dominée par les premiers rangs.
Cet exemple illustre le principe ; en pratique, chaque plateforme ajuste ses paramètres et peut appliquer des variantes. La description ci‑dessus est un modèle conceptuel pour comprendre comment des signaux lexicaux et sémantiques peuvent être pondérés et combinés.
Où ce calcul prend vie dans les systèmes réels
Vous n’aurez pas besoin d’écrire la formule vous‑même : la RRF et des variantes de fusion sont déjà intégrées dans de nombreuses piles de recherche modernes. Les composants de base sont communs : récupération par BM25, récupération par vecteurs (via des index d’embeddings), fusion des listes et sortie finale. Des technologies et outils comme Lucene/Elasticsearch, OpenSearch, FAISS, Milvus, Pinecone ou Vespa implémentent ces idées à différents niveaux et avec des paramètres spécifiques.
Étudier la documentation publique de ces fournisseurs aide à comprendre les choix d’architecture (comment sont produits les embeddings, comment sont gérés les index vectoriels, quelles fonctions de fusion sont proposées). Mais, pour la plupart des marketeurs, l’important est d’observer comment ces mécanismes se manifestent au niveau des résultats et des citations visibles par l’utilisateur.
Observer la recherche hybride en conditions réelles
On ne peut pas voir les listes internes des plateformes, mais on peut mesurer leur comportement externe. La méthode consiste à comparer les URL classées par Google avec les URL citées par un **assistant** et à calculer des indicateurs d’alignement et de nouveauté. Ce travail d’observation fournit une heuristique — une approximation utile — pour estimer la visibilité d’un site auprès des deux types de systèmes.
Étape 1 : collecter les données
Sélectionnez 10 requêtes représentatives de votre activité ou de vos priorités (vous pouvez répéter l’exercice avec d’autres ensembles par la suite). Pour chaque requête :
- Exécutez la recherche dans Google et copiez les 10 premières URL organiques.
- Exécutez la même requête dans un **assistant** qui affiche des citations (par exemple Perplexity ou ChatGPT Search) et copiez chaque URL ou domaine cité.
Vous obtenez ainsi, pour chaque requête, deux listes : la Top 10 Google et les citations de l’assistant.
Remarque : certains **assistants** ne fournissent pas toujours des citations complètes, ou n’en affichent pas pour certaines requêtes. Dans ces cas, la méthode ne peut pas s’appliquer et il est préférable d’ignorer ces requêtes pour éviter des biais.
Étape 2 : compter trois éléments
- Intersection (I) : nombre d’URL ou de domaines présents dans les deux listes.
- Nouvelle valeur (N) : nombre de citations d’assistant qui ne figurent pas dans le Top 10 Google. Exemple : si l’assistant a 6 citations et 3 se chevauchent, N = 6 − 3 = 3.
- Fréquence (F) : fréquence d’apparition de chaque domaine sur l’ensemble des 10 requêtes (combien de fois le domaine est cité).
Étape 3 : transformer les comptes en métriques simples
Pour chaque ensemble de requêtes, calculez :
Taux de visibilité partagée (SVR) = I ÷ 10.
Ce ratio indique quelle part du Top 10 Google est également citée par l’assistant.
Taux de visibilité unique de l’assistant (UAVR) = N ÷ total des citations de l’assistant pour cette requête.
Ce chiffre révèle la proportion d’informations nouvelles introduites par l’assistant et non présentes dans le Top 10 Google.
Nombre moyen de citations répétées (RCC) = (somme des F pour chaque domaine) ÷ nombre de requêtes.
Cette métrique montre la constance avec laquelle un domaine est cité par l’assistant à travers les différents sujets étudiés.
Exemple concret :
Google Top 10 = 10 URL. Assistant : 6 citations. Trois chevauchements.
I = 3, N = 3. Supposons F(example.com) = 4 (le domaine apparaît dans 4 réponses d’assistant sur 10).
SVR = 3 ÷ 10 = 0,30.
UAVR = 3 ÷ 6 = 0,50.
RCC = 4 ÷ 10 = 0,40.
Ces chiffres forment un instantané numérique de la proximité entre les résultats de recherche traditionnels et ceux mis en avant par les **assistants**.
Étape 4 : interpréter les résultats
Ces valeurs ne sont pas des standards industriels immuables mais des repères pour guider l’analyse. Voici quelques interprétations possibles :
- SVR élevé (> 0,6) : forte concordance — vos contenus semblent pertinents tant pour la récupération lexicale que sémantique.
- SVR modéré (0,3 – 0,6) associé à un RCC élevé : vos pages sont souvent citées par l’assistant mais peuvent gagner à mieux structurer l’information (balises, microdonnées, ancrages) pour renforcer la visibilité lexicale.
- SVR faible (< 0,3) avec UAVR élevé : l’assistant fait appel à d’autres sources — cela peut indiquer des problèmes de structure, de formulation ou de signalement d’autorité sur vos pages.
- RCC élevé pour un concurrent : le modèle fait régulièrement référence à leur domaine, ce qui mérite une analyse de leurs pratiques (schéma, format, expertise manifeste).
Étape 5 : recommandations et bonnes pratiques
Sur la base des écarts observés, des actions techniques et éditoriales peuvent être envisagées. L’objectif n’est pas d’imposer des changements immédiats mais de proposer des ajustements fondés sur les observations :
- Structurer les contenus en blocs courts (idées-clés suivies d’un bref argument ou d’une preuve) : des paragraphes de 200–300 mots concentrés sur une affirmation et sa justification facilitent la lecture et l’extraction par les modèles.
- Employer des titres explicites, des listes et des ancres stables pour aider la récupération lexicale (favoriser BM25).
- Ajouter des données structurées (types FAQ, HowTo, Product, TechArticle) pour signaler le contexte et la nature du contenu, ce qui aide les **assistants** et les moteurs basés sur des vecteurs.
- Conserver des URL canoniques cohérentes et horodater les mises à jour afin de fournir des références stables.
- Fournir des versions PDF canonique pour des sujets de haute confiance : les formats figés et vérifiables sont parfois préférés par des modèles citant des sources « stables ».
Ces pratiques visent à harmoniser le langage de votre site avec les deux familles de moteurs de récupération : la langue des termes exacts pour la recherche lexicale et la structure et la densité d’information pour les modèles sémantiques.
Pourquoi cette approche chiffrée a de la valeur
Cette démarche mathématique fournit aux marketeurs un moyen pragmatique de quantifier l’accord ou le désaccord entre deux logiques de récupération. Il s’agit d’un outil diagnostique plutôt que d’un algorithme de classement : il ne révèle pas les raisons internes d’un choix de source par un assistant, mais indique la fréquence et la cohérence avec lesquelles une source est utilisée.
En d’autres termes, ces mesures sont la partie visible d’une logique hybride invisible — comme lire le vent en observant le mouvement des arbres. Elles ne reproduisent pas l’atmosphère, mais elles donnent une lecture utile des effets.
Travail sur la page qui favorise la recherche hybride
Après avoir observé l’alignement et la nouveauté, il est pertinent de renforcer la structure et la clarté des pages pour améliorer la compatibilité avec les deux systèmes :
- Segmenter le contenu en blocs clairs de revendication + preuve (200–300 mots par bloc) pour faciliter l’extraction de passages pertinents par les modèles basés sur des embeddings.
- Utiliser des titres et des sous-titres explicites et hiérarchisés afin d’aider la recherche lexicale (BM25) à associer des termes exacts.
- Mettre en place du schema.org adapté (FAQ, HowTo, Article technique, Product) afin de contextualiser vos pages pour les pipelines sémantiques et les assistants.
- Maintenir la stabilité des URL canoniques et indiquer clairement les dates/versions pour renforcer la confiance éditoriale.
- Proposer des formats vérifiables (PDF, fiches techniques) pour les sujets nécessitant une autorité élevée.
Ces améliorations servent autant les moteurs classiques que les **assistants IA** : elles favorisent la compréhension, la vérification et la réutilisation du contenu.
Rapportage et communication aux décideurs
Les dirigeants s’intéressent rarement aux détails techniques comme la BM25 ou les embeddings ; ils veulent des indicateurs compréhensibles concernant la visibilité et la confiance. Les nouvelles métriques (SVR, UAVR, RCC) permettent de traduire des observations techniques en mesures actionnables :
- Présentez le SVR comme la part de votre SEO existant qui est également visible par les **assistants**.
- Interprétez le UAVR comme la part de contenu introduite par les assistants qui n’est pas dans votre Top 10 — utile pour suivre les domaines émergents ou les signaux sémantiques hors SEO traditionnel.
- Utilisez le RCC pour montrer la constance d’un domaine : un RCC élevé signifie que le modèle cite souvent la même source, ce qui indique une forme de confiance répétée.
Ces métriques peuvent être complétées par les totaux de performance liés au Mode IA dans la Search Console, mais avec la réserve suivante : actuellement, les données de Mode IA sont agrégées dans la catégorie Web et ne sont pas isolables de façon fiable. Par conséquent, toute estimation de trafic spécifique aux assistants doit rester indicielle et non définitive.
En pratique, combiner ces observations externes avec les données de Search Console et des analyses qualitatives (examen des pages citées par les assistants) offre une base plus solide pour expliquer l’impact des **assistants IA** aux parties prenantes.
Conclusion : un pont entre deux logiques
La séparation entre les moteurs de recherche classiques et les **assistants IA** n’est pas une rupture, mais un écart de signal. Les moteurs classent des pages après avoir mesuré la pertinence ; les assistants récupèrent des fragments avant d’assembler une réponse. La méthode décrite ici propose une façon simple d’observer ce décalage sans outils spécialisés : en comparant ce que Google positionne et ce que les assistants citent, puis en traduisant ces observations en métriques interprétables.
Le cœur du métier reste inchangé : clarté, structure et autorité comptent toujours. La nouveauté consiste à mesurer comment cette autorité se propage entre systèmes de classement et systèmes de récupération, avec des attentes réalistes et des mesures contextuelles.
La visibilité ainsi comptée et contextualisée permet au SEO moderne de rester ancré dans des observations concrètes, même lorsque les systèmes deviennent plus complexes et hybrides.
Ressources complémentaires :
Ce texte est une adaptation d’un article initialement publié sur Duane Forrester Decodes.
Image à la une : Roman Samborskyi/Shutterstock
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