Comment l’essor de l’IA redéfinit aujourd’hui le paysage du SEO ?
Depuis mes débuts dans le monde du référencement, j’entends régulièrement l’annonce que le SEO est voué à disparaître à brève échéance. Après plus d’une décennie et demie d’expérience, je constate au contraire que le référencement perdure, mais se transforme profondément. Les moteurs, et en particulier Google, ont progressivement évolué d’une logique de simple indexation vers une logique de réponse : il s’agit de délivrer aux utilisateurs des réponses immédiates, pertinentes et riches plutôt que de longs listings de liens.
Avec l’arrivée de modèles conversationnels grand public, nous assistons à un changement d’échelle dans la manière dont les internautes obtiennent de l’information.
La véritable rupture vient des systèmes capables d’échanger en mode conversationnel et de personnaliser leurs réponses en fonction des précisions fournies par l’utilisateur. Là où la page de résultats d’un moteur traduisait la requête en une liste de sources, les assistants conversationnels — incarnés aujourd’hui par des outils comme ChatGPT — dialoguent, reformulent, approfondissent et synthétisent. Le résultat est une expérience plus proche du conseil personnalisé que d’un simple renvoi vers des pages web.
Pour beaucoup d’acteurs du web, c’est la première fois qu’un outil grand public paraît représenter une alternative crédible aux usages traditionnels de Google.
Google investit massivement dans ses propres modèles (par exemple Gemini), mais l’adoption d’un usage nouveau n’est pas seulement une question de moyens financiers : il y a un facteur d’habitudes et d’écosystème. Lors des précédentes ruptures (réseaux sociaux, mobile, etc.), l’ampleur d’une nouvelle pratique a parfois pris de court les produits établis. Si les internautes basculent une part importante de leurs requêtes vers des assistants conversationnels, la valeur publicitaire et le modèle économique basés sur certaines requêtes pourraient être réorientés vers d’autres plateformes, qui pourraient monétiser les réponses via des partenariats, de l’affiliation ou des intégrations e‑commerce.
Quel impact concret de l’IA sur le travail quotidien du spécialiste en SEO ?
L’arrivée massive de l’IA modifie les méthodes sans pour autant rendre le SEO obsolète. Elle permet de produire des contenus à un rythme très élevé, ce qui ouvre des opportunités évidentes. Mais produire vite n’équivaut pas à produire bien : la prolifération de contenus peu différenciants finit par fatiguer les lecteurs et à diluer la valeur perçue des résultats.
Lorsque j’intègre un modèle comme ChatGPT dans un processus de production, je l’envisage comme un outil d’accélération qui nécessite un cadre humain strict. Le travail commence par un brief éditorial détaillé : objectif, persona, angle, plan, contraintes SEO, sources autorisées, niveau de technicité. Sans ce cadrage, le texte obtenu manquera souvent de profondeur, d’originalité et d’alignement avec la stratégie de marque. Autrement dit, l’IA accélère la rédaction, mais n’exonère pas des compétences traditionnelles d’un rédacteur ou d’un stratège éditorial.
La nouvelle frontière consiste à amener les systèmes d’IA à citer ou à recommander nos clients : c’est là que se jouera une grande partie de la bataille.
Les expériences et études récentes montrent que les modèles conversationnels tendent à s’appuyer sur des sources identifiables et réputées : encyclopédies comme Wikipédia, sites institutionnels, médias reconnus, mais aussi de plus en plus des forums et communautés (par exemple Reddit) pour des retours d’expérience. En conséquence, le travail du SEO bascule sur des pratiques de surveillance et d’influence : le brand monitoring devient central. Il s’agit d’observer comment une marque est évoquée sur l’ensemble des points de contact — chatbots, réseaux sociaux, forums, agrégateurs — et d’agir pour améliorer la qualité et la visibilité de ces mentions.
Une réputation numérique soignée augmente les chances d’être relayé favorablement par un assistant conversationnel.
Cette évolution rapproche le SEO du marketing de la réputation et de la communication de crise. Les aspects techniques traditionnels (optimisation on‑page, performance, maillage, balises sémantiques) restent essentiels, mais ils cohabitent désormais avec des actions visant à renforcer la notoriété, la confiance et la traçabilité des informations publiées par une marque.
Comment intégrer ces transformations dans les pratiques d’une agence comme Conserto ?
Dans le cadre de la Fabrique Digitale, l’agence web de Conserto, nous devons concilier plusieurs impératifs : conserver la qualité de service pour nos clients actuels, tout en explorant des approches nouvelles liées à l’IA. Beaucoup de nos clients sont des acteurs institutionnels ou du secteur B2B — des entités pour lesquelles la fiabilité, l’accessibilité et la conformité sont prioritaires. Des projets pour des structures comme REMI (réseau de transport régional Centre‑Val de Loire) ou l’ADEME exigent un travail approfondi sur l’ergonomie, l’accessibilité, le design et le SEO, qui ne peuvent pas être improvisés.
En parallèle des missions opérationnelles, nous produisons un état de l’art pour comprendre l’interaction entre SEO et IA.
Concrètement, notre approche combine plusieurs volets : veille technologique systématique, benchmark des bonnes pratiques, analyses concurrentielles, et expérimentation. Nous documentons ce qui marche et ce qui ne marche pas, et nous essayons d’identifier les scénarios de valeur où la présence d’une marque ou d’un site a le plus de chances d’être reprise par un assistant conversationnel. J’alloue du temps chaque semaine pour cette veille — c’est un investissement continu qui alimente nos recommandations stratégiques.
Sur le plan du développement, Conserto dispose d’une forte masse de ressources techniques : développeurs, intégrateurs, spécialistes back‑end. Nous avons testé l’apport de l’IA pour accélérer certains développements. Les retours montrent que, pour l’instant, l’IA se situe souvent au niveau d’un développeur junior : utile pour générer des squelettes, des snippets ou corriger des erreurs évidentes, mais insuffisante pour concevoir ou garantir des architectures complexes sans supervision humaine.
L’IA ressemble à un stagiaire compétent : elle nécessite encadrement, relecture attentive et validation métier.
Ainsi, notre tactique est prudente : nous automatisons les tâches répétitives lorsque cela apporte un gain net de productivité, mais nous gardons une supervision humaine pour les livrables critiques et pour les décisions stratégiques.
Quels outils et quelles chaînes d’outils mobilisez‑vous au quotidien pour le SEO et l’IA ?
Le marché regorge d’outils et la clé est de savoir assembler les briques pertinentes pour créer des workflows robustes. Parmi les solutions que nous utilisons régulièrement :
- Make : utile pour orchestrer des automatisations entre plusieurs plateformes (tableurs, API d’IA, outils d’analyse). Il permet de créer des pipelines réutilisables pour des tâches comme la collecte de mots‑clés, l’enrichissement de briefs ou la génération de rapports.
- Semrush : une plateforme complète d’intelligence SEO pour le benchmarking, l’audit technique, le suivi de positions, l’analyse de backlinks et l’identification d’opportunités de contenu. C’est une base de travail fiable pour construire une stratégie data‑driven.
- ChatGPT : puissant pour prototyper des contenus, rédiger des synthèses, générer des idées de titres et structurer des briefs. Son efficacité dépend toutefois du cadrage : prompts élaborés, listes de sources autorisées, et processus de validation sont indispensables.
- Midjourney : pour la création de visuels originaux. Bien que sa fenêtre d’usage via Discord puisse être contraignante, il s’agit d’un outil pertinent lorsque l’on souhaite produire rapidement des illustrations différenciantes.
- Copilot : intégré aux environnements de développement, il assiste les développeurs sur des tâches de routine — mais il nécessite toujours revue et adaptation manuelle.
Je reste attentif aux innovations, mais j’équilibre curiosité et stabilité : les outils phares restent ceux qui offrent robustesse et traçabilité.
En plus de ces briques, nous exploitons des solutions de monitoring de marque, des crawlers personnalisés et des outils d’analyse de logs pour mieux comprendre le comportement des bots et des utilisateurs. L’intégration de données CRM et analytics devient également cruciale pour relier les efforts SEO à des indicateurs business tangibles.
À quoi ressemblera le SEO dans les prochaines années ?
L’IA transforme les usages quotidiens, et le SEO devra s’adapter sans renier ses principes fondamentaux. Même si la manière d’accéder à l’information évolue (interfaces conversationnelles, assistants intégrés, réponses directes), les objectifs restent les mêmes : répondre aux besoins des internautes, offrir une expérience pertinente, et connecter ces besoins aux offres ou services des clients.
Plusieurs tendances me paraissent déterminantes :
- Renforcement de l’importance de la réputation et de l’authoritativeness : les modèles d’IA privilégient les sources perçues comme fiables. Travailler la qualité des sources, la transparence éditoriale et la traçabilité des informations deviendra un levier stratégique.
- Montée en puissance des formats conversationnels : il faudra concevoir du contenu pensé pour être cité, résumé ou réutilisé par des assistants (résumés structurés, FAQ enrichies, blocs de réponses structurés).
- Convergence SEO / PR / community management : le brand monitoring et les actions d’influence sur les communautés en ligne feront partie intégrante d’une stratégie SEO moderne.
- Rôle accru des données structurées : les balises schema.org, les microformats et autres formats de structuration des données aideront les systèmes automatisés à mieux interpréter et réutiliser le contenu.
- Mesures et indicateurs adaptés : au‑delà du trafic organique brut, il faudra suivre la capacité d’un site à être repris par des tiers, la qualité des signaux sociaux, la fréquence des citations et la visibilité dans les assistants conversationnels.
Dans ce contexte, le métier de référenceur s’élargit : il faut comprendre les algorithmes, mais aussi les dynamiques sociales et éditoriales. L’aptitude à produire des contenus différenciés, fiables et utiles restera la clef. Les outils d’IA seront des accélérateurs puissants, mais la valeur durable viendra de la capacité humaine à concevoir des expériences pertinentes et éthiques.

Étienne Collot, expert en SEO
Étienne Collot a débuté dans le référencement en 2012, d’abord en élaborant des contenus optimisés, puis en travaillant le netlinking et l’architecture de sites. Dès 2014, il a approfondi l’aspect technique du métier en intervenant comme consultant chez iProspect. Par la suite, il a apporté son expertise au sein de structures telles que Vinci Immobilier, Search Foresight, puis au cœur de la Fabrique Digitale intégrée à l’ESN Conserto, qu’il a rejoint en mars 2022. Sa pratique se situe à l’intersection du contenu, de la technique et de la stratégie de réputation, avec un intérêt particulier pour l’impact des technologies d’IA sur les parcours de recherche et d’achat.
